Vous l’aurez remarqué en étarquant votre voile, que plus vous tirez à l’amure, plus les panneaux supérieurs se détendent jusqu’à être totalement « mous » on dit alors que la voile « dégueule ». Régler cette chute est important pour tirer le maximum de son gréement.
Mais pourquoi faut-il que la voile dégueule ?
Rappels de mécanique des fluides
Le long de la voile s’écoule un fluide : le vent. Plus précisément, le vent apparent, issu de la somme vectorielle du vent réel (celui qui souffle dans votre anémomètre quand vous mesurez le vent sur la plage) et de votre vent vitesse (que votre équipement génère en planant).
Ce vent s’écoule de façon laminaire de part et d’autre de la voile. Se crée alors une surpression sur la face interne (au vent) de la voile et une dépression sur sa face externe (sous le vent). Cette différence de pression crée une portance qui se traduit sur l’eau par cette sensation de traction. C’est le même principe qui s’applique aux ailes d’avion.
(a) écoulement laminaire
(b) écoulement turbulent
Portance aile d’avion
Pour que la voile fournissent une portance optimale, il faut préserver cet écoulement laminaire.
L’importance de la chute
Si le vent vitesse est le même où que l’on se situe sur la voile (par exemple, le bas de la voile ne va pas plus vite que le haut), il existe cependant une différence de force entre le vent réel soufflant en haut de la voile et le vent réel soufflant en bas. En effet, le vent à la surface de l’eau est responsable d’un déplacement horizontal de la couche superficielle de l’océan par la seule action de sa friction, c’est ce qu’on appelle le transport d’Ekman. Ces frottements le ralentissent et le rendent moins fort que le vent soufflant en haut du gréement.
Cette différence influe sur l’angle d’incidence du vent apparent sur la voile.
Le vent étant plus faible en bas qu’en haut, l’angle d’incidence du vent apparent en bas sera moins important que l’angle d’incidence du vent apparent en haut de la voile.
C’est ici que le fait que la voile « dégueule » prend tout son sens. En effet, la chute permet à la voile de vriller en haut et de s’aligner avec l’angle d’incidence du vent apparent haut tandis qu’en bas, le profil ne bouge pas: l’écoulement laminaire est préservé en haut et en bas de la voile. Le gréement est bien exploité.
Régler la chute de sa voile
Vous l’aurez compris, c’est la force du vent réel qui détermine la différence angulaire entre le Vent Apparent Haut et le Vent Apparent Bas.
- Plus le vent est fort, plus cette différence est grande, plus il faut permettre à la voile de vriller en la faisant beaucoup dégueuler pour qu’elle s’oriente parfaitement et que l’écoulement laminaire du vent soit préservé.
- Moins le vent est fort, moins cette différence est grande, moins il faut qu’elle vrille. On ouvre donc moins la chute.
La tension conseillée à l’amure par les constructeurs permet d’obtenir l’ouverture de chute maximale du modèle. C’est un excellent point de départ pour affiner les réglages par la suite.
- En règle générale, si le vent est fort on tend sa voile au maximum selon les indications constructeur.
- Si le vent est faible, on part de ce maximum puis on relâche progressivement la tension à l’amure jusqu’à ce qu’on ne fasse dégueuler complètement qu’un seul des panneaux supérieurs.
Comment savoir si la voile est bien réglée ?
En navigation , une rafale arrive :
- votre voile réagit mollement et vous n’accélérez pas. Votre chute est trop ouverte, le vent s’échappe sans créer de portance. Relâchez la tension à l’amure pour moins la faire dégueuler.
- votre voile se met à tracter comme un cheval de trait mais vous n’allez nulle part. Votre voile ne dégueule pas assez. Le vent ne s’écoule pas de façon laminaire, il bute en haut de voile et crée des turbulences. Tirez un peu plus à l’amure pour ouvrir d’avantage la chute.